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— Si vous n’êtes coupable que de négligence, répliqua Jean de Vargas avec un regard sinistre, tant mieux pour votre âme ! les souffrances de votre corps suffiront peut-être pour expier votre faute.

— Seigneur président, reprit le curé, je suis docteur en théologie et revêtu des saints ordres ; vous devez respecter en moi les privilèges…

Veillaco ! s’écria le féroce Espagnol, faut-il répéter à tous ces Flamands la même chose ? Nos sumus Hispanos et non curamus privilégias vestros[1].

Ad patibulum ! ajouta Jacques Hessels en caressant sa longue barbe déjà blanche. Les deux autres juges opinèrent du bonnet.

Le président prononça l’arrêt fatal, et sans avoir été interrogés, sans avoir compris ce qu’on leur imputait, les pauvres villageois furent reconduits en prison avec leur curé : le lendemain ils avaient tous cessé de vivre.

La seconde cause était celle de la baronne de Berghes et la jeune comtesse de Waldeghem.

Quand elles parurent devant ce tribunal inique, quand elles virent les regards de ces juges sanguinaires fixés sur elles, toutes deux se crurent à leur dernier moment. Elles s’assirent sur le banc des accusés, pâles, froides et mourantes.

On leur donna lecture de la dénonciation portée contre elles, et qui roulait principalement sur

  1. « Nous sommes Espagnols et nous nous soucions peu de vos privilèges. » Ce fût aux députés de l’université de Louvain que Vargas parla ainsi.