Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE GUEUX DE MER

Elles partirent de Bruges par une belle matinée du mois de juin. De nombreux domestiques galopaient à cheval autour de la voiture, étalant les livrées brillantes des maisons de Berghes, de Waldeghem et de Gruthuysen, car le tuteur de Marguerite avait voulu que quelques-uns de ses gens accompagnassent sa pupille. La baronne de Berghes, fière d’un si beau cortège, eût presque souhaité que le voyage fût plus long[1]. Elle avait mis son costume de cour, c’est-à-dire une robe de velours rayé, brodée en or, dont les manches étaient taillées à l’espagnole, et le collet garni d’une haute et large fraise, qui permettait à peine le plus léger mouvement de tête. Cette robe, qui s’ouvrait par devant, laissait apercevoir un jupon de brocard magnifique. Un voile garni de larges dentelles, comme on n’en eût pu trouver dans aucun autre pays qu’en Flandre, couvrait la tête de la vieille dame, et retombait jusqu’au bas de la taille, tandis que deux coins, ramenés en avant, se croisaient sur sa poitrine. Au-dessous brillait une croix de pierres précieuses, et un chapelet de grosses perles, que la douairière tenait à la main, attestait à la fois sa richesse et sa dévotion.

Dans un pareil costume, et avec un si brillant équipage, rien au monde n’eût pu troubler la satisfaction dont elle jouissait en s’enivrant de sa propre grandeur. Sa compagne, au contraire, élevée avec simplicité dans une des maisons les plus opulentes des Pays-Bas, prenait à peine garde à tout cet appareil

  1. Il y a quatre lieues de Bruges à l’Écluse.