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— Pourquoi pleurez-vous, lâches, leur dit le brave marin, lorsque vous pourriez les délivrer ?

— Ah ! si le comte d’Egmont vivait encore ! il ne souffrirait pas qu’on nous traite ainsi ; mais que Guillaume de Nassau vienne, et nous nous vengerons.

La vue des uniformes espagnols commençait à produire son effet accoutumé sur l’âme du gueux de mer, et il sentait bouillonner son sang dans ses veines. — Qu’attendez-vous ? s’écria t-il ; d’Egmont ne ressuscitera pas pour vous faire plaisir, et le bon Guillaume est de l’autre côté du Rhin. Mais n’avez-vous donc ni mains, ni cœurs ? Suivez-moi ! non que je veuille vous obliger, au moins, mais j’ai une vieille rancune contre ces Castillans.

Il dit, et, saisissant l’énorme levier avec lequel il avait dégagé le bateau, il se précipita le premier sur les soldats. Ceux-ci, surpris d’une audace à laquelle ils n’étaient plus accoutumés, et saisis de frayeur à la, vue de cet homme couvert d’une boue noire et semblable à un monstre marin, hésitèrent un moment avant de tirer sur lui ; mais bientôt, rougissant de leur faiblesse, ils firent feu, et le bruit de la décharge suffit pour mettre en fuite tous les ouvriers. Dirk Dirkensen seul, habitué à mépriser le sifflement des balles, continua sa course, et, faisant tournoyer sa massue, il renversa d’abord à ses pieds quelques-uns des Espagnols ; mais bientôt environné d’ennemis, et abandonné de ceux qui auraient pu le secourir, il fut forcé de battre en retraite.