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Ils allaient renoncer à leur entreprise, quand ils furent encouragés par un homme déjà âgé et couvert d’une livrée brillante. Il avait un pourpoint de satin jaune avec des revers noirs ; le haut-de-chausses de velours rouge, des bas de soie, et des souliers à talon élevé ; mais il paraissait mal à son aise sous ce riche costume, sa démarche raide et guindée trahissait son embarras.

Vous devez connaître cet homme, dit la baronne à Marguerite, aussitôt qu’elle eut remarqué son habillement : il porte les couleurs de la maison de Gruthuysen.

Ses traits ne me sont point étrangers, répondit la jeune fille ; mais je ne puis me rappeler où je l’ai vu.

Tandis qu’elle parlait ainsi, cet inconnu, jetant par terre son pourpoint et sa veste galonnée, avait pris en main le plus gros et le plus lourd des pieux dont les travailleurs faisaient usage.

Il s’élança sur la proue du bateau, les bras et la tête nus, et l’œil étincelant. Les deux dames le reconnurent alors. C’est le pilote, s’écrièrent-elles ; c’est Dirk Dirkensen ! Par quel miracle le retrouvons-nous ici sous le costume d’un laquais ?

Peut-être, dit la vieille dame en frémissant, ces infâmes rebelles méditent-ils quelque nouveau crime, plus épouvantable que tous les autres ; peut-être en veulent-ils aux jours de Son Excellence. Oh ! que ne suis-je libre pour le prévenir du danger qui le menace !