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LE GUEUX DE MER

celles dont la cour de Bruxelles donnait l’exemple, lui inspiraient une sainte horreur. Ignorante, comme l’étaient alors presque toutes les femmes, elle avait pour base de ses jugements quelques principes plus ou moins sûrs, comme ceux-ci : — Qui ne s’écarte point de la voie tracée ne tombera point dans le précipice ; — Qui suit les avis de son curé n’embrassera point d’hérésie ; — Ou bien, un Gruthuysen ne recule pas ; — Un Waldeghem ne saurait se dégrader, etc., etc. Le reste de ses opinions était d’emprunt, et elle avait pour oracle un aumônier tant soi peu fanatique, qu’elle consultait dans les plus grandes affaires comme dans les plus indifférentes.

Comme la bonne dame ne s’était jamais beaucoup fatiguée à penser, qu’elle n’avait éprouvé aucune passion violente, et qu’elle menait la vie la plus régulière du monde, elle conservait une santé florissante et quelques traces de beauté. Ses yeux surtout avaient une expression de douceur et de bonté qui n’était point trompeuse ; mais cette douceur ressemblait à de la faiblesse, et cette bonté manquait de discernement.

Telle était celle qui s’était chargée d’égayer Marguerite, et, malgré son peu de lumières, elle était peut-être la personne la plus propre à y réussir ; car le manque de pénétration rendait sa société moins fatigante pour une personne mélancolique, et elle aimait véritablement sa nièce, quoiqu’elle ne l’eût vue que très rarement.