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LE GUEUX DE MER

messe : elle priait avec le plus de ferveur, et se relevait la dernière. C’était Marguerite : parvenue à sa vingtième année, elle avait appris à mieux juger l’action qu’on lui avait d’abord fait trouver si horrible ; ses préjugés avaient perdu leur force, et l’absence semblait avoir accru son amour. Sans cesse elle songeait au compagnon des jeux de son enfance, à celui qui avait été son premier ami et son plus ardent protecteur. Elle s’accusait de l’avoir condamné aveuglément, et se reprochait d’avoir causé son funeste départ.

Quoiqu’elle s’efforçât de cacher les larmes qu’elle versait dans la solitude, sa pâleur et son abattement frappèrent son tuteur. Après avoir inutilement employé tous les moyens pour dissiper sa mélancolie, il se détermina à la confier pour quelque temps aux soins d’une vieille tante dont elle était la plus proche héritière. La baronne de Berghes (tel était le titre de cette respectable douairière) vint elle-même à Bruges chercher sa nièce, et la conduisit dans son carrosse à quatre chevaux à l’Écluse, où elle demeurait.

Sœur aînée du comte de Waldeghem, la baronne de Berghes était parvenue à l’âge de soixante ans, sans que le temps et l’expérience eussent modifié aucune des idées de sa jeunesse. Aussi joignait-elle à des qualités estimables tous les ridicules d’une personne qui n’est plus de son siècle. Elle regardait comme sacrés les usages qui avaient toujours été sa loi, et les moindres innovations, hormis toutefois