Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

minés par le temps, et couverts d’une mousse noirâtre ; de grosses pierres pouvaient servir de bancs : il y avait aussi quelques bottes de paille étendues à terre. C’était là le lit qu’on destinait à des personnes élevées au sein de l’abondance et de la délicatesse, et auxquelles leur imagination même n’avait jamais offert un séjour aussi hideux.

Elles n’y étaient pas seules : le vieux capitaine allemand, qu’elles avaient vu juger, était là couché à terre : il se souleva pour les saluer, autant que le lui permirent ses fers, et poussa quelques sons étouffés qu’elles ne purent comprendre.

Les malheureux surtout savent compatir au malheur. Quand la douairière et sa nièce aperçurent le vieillard chargé de chaînes, bâillonné, blessé par ceux qui l’avaient mis dans cet état, et destiné à une mort aussi injuste qu’ignominieuse, elles oublièrent leurs propres souffrances pour plaindre cet infortuné que leurs faibles mains ne pouvaient secourir. Elles pleuraient ; le guerrier les regarda d’un air de fierté, et qui semblait leur dire : ne me plaignez pas… j’ai vécu sans honte.

Le jour commençait à baisser. La soirée et les premières heures de la nuit s’écoulèrent bien lentement pour les captives ; elles priaient tout bas : le vieux capitaine s’était endormi tranquillement.

Elles écoutèrent successivement sonner neuf heures, dix heures, onze heures, minuit. Un profond silence régnait dans les rues désertes, et la marche régulière