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LE GUEUX DE MER

ardent, impétueux, devenait grave et réservé : on avait vu des larmes rouler sous ses paupières lorsqu’il s’arrêtait pour contempler les portraits de ses ancêtres ; et souvent, quand il se croyait sûr de n’être point aperçu, il détachait leurs vieilles armures, et s’essayait à les porter.

Il s’absentait quelquefois du palais de son aïeul, pour parcourir les campagnes voisines. Un jour on ne le vit point revenir ; mais la rumeur publique apprit au vieillard que deux soldats espagnols, chargés d’arrêter un hérétique, étaient tombés sous les coups de son petit-fils.

C’était la première fois qu’un Gruthuysen eût mérité le nom de rebelle. Le bon seigneur pâlit en l’apprenant, et brisa sa fidèle épée. Marguerite ne versa point de larmes, mais elle coupa ses blonds cheveux et voulut renoncer au monde. Un morne silence régnait sous les voûtes du palais antique, et tous les serviteurs dévoués à la noble famille pleurèrent cette tache, la première qui eût souillé son écusson.

Quelques jours après, Louis de Winchestre vint se jeter aux genoux de son aïeul ; il fut repoussé avec dédain. Il voulut embrasser encore une fois celle qui lui avait été destinée ; Marguerite, effrayée par les sinistres discours d’un prêtre fougueux, ne voyait plus dans son amant qu’un rebelle, un hérétique, un ennemi de Dieu et du roi.

Le malheureux jeune homme s’éloigna la mort dans le cœur. Il ne voulut prendre aucun des objets précieux qu’il possédait ; mais lorsque quelque temps