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C’est comme si j’apercevais la mer après avoir passé quelques années sans voir autre chose que des prairies et de l’eau douce. Je me suis trouvé sous la même latitude dans mon premier voyage d’Espagne. J’avais oublié de saluer une statue de la vierge (Dieu maudisse les idolâtres qui adorent le bois et la pierre !) ; on m’emprisonna à Palos, et je fus forcé de louvoyer par terre jusqu’à Vigo. Je pleurai de joie quand je découvris enfin des mâts de navire, et j’embrassai le premier marin que j’entendis parler flamand.

— Dirk, répartit le jeune homme, je te montrerai le palais de mon aïeul, tu entreras avant moi, et tu diras au bon vieillard que son petit-fils existe encore, qu’il se propose d’implorer son pardon… surtout tu ne parleras point de nos croisières.

Le vieillard fronça le sourcil : — Lieutenant, dit-il, voudriez-vous renier vos exploits ? rougiriez-vous d’être un gueux de mer ?

— Je désire ne point indisposer mon aïeul, reprit Louis de Winchestre ; ainsi, parle de moi seulement comme d’un officier de marine, que le hasard t’aurait fait rencontrer.

— Pardonnez-moi, répliqua le pilote : je puis prendre un quart, un huitième de vent ; mais la vérité ne se divise pas de la sorte, et… je ne sais pas mentir.

Le jeune homme sourit. — Ni moi non plus, Dirk, répondit-il d’une voix assurée ; mais il faut ménager l’esprit d’un vieillard prévenu : je me réserve de lui découvrir ensuite la vérité, et de lui