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cause que condamnent votre père et mon aïeul ?

La jeune fille retira sa main, qu’il tenait encore, et, le regardant d’un air grave et solennel : — Le comte de Winchestre, dit-elle, aurait-il abjuré la foi de ses pères ?

— Non, Marguerite, s’écria-t-il vivement, non : il n’est pas nécessaire de changer de religion pour aimer et défendre son pays. N’étaient-ils pas catholiques ces intrépides Flamands qui opposèrent une noble résistance à la tyrannie de leurs comtes, à l’avidité des ducs de Bourgogne, à l’aveugle fureur des rois de France ? N’étaient-ils pas catholiques les héros de Rosebecque et de Male ? et ne peut-on marcher sur leurs traces sans renoncer à son Dieu ?

— Mais vous combattez pour l’établissement de l’hérésie.

Le jeune homme leva les mains au ciel. — Dieu sait, dit-il, quels sont ceux qui propagent les nouvelles doctrines ! Jamais peut-être une partie des Belges n’eût changé de culte, si l’on n’eût pas fait de la religion le prétexte et l’instrument de la tyrannie, si l’on eût laissé la vérité triompher par ses propres forces, et que l’on n’eût point substitué aux prédicateurs des bourreaux.

— Eh bien ! répondit Marguerite ; apprenez aussi quels sont mes véritables sentiments. J’ai pu, à peine sortie de l’enfance, me laisser épouvanter par les anathèmes que lançait contre vous un homme inconsidéré ; j’ai pu vous croire un moment coupable et peu digne de mon souvenir ; mais chaque jour je