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LE GUEUX DE MER

nation, et préparait de longue main l’établissement de l’inquisition et du pouvoir absolu. Fidèle à l’exemple de ses aïeux, le seigneur de Gruthuysen resta également attaché à la foi catholique et aux privilèges de la Flandre : il inspira aux enfants qu’il avait voulu élever lui-même une piété douce et bienveillante, un patriotisme sans exagération ; et ses leçons fortifiées par ses exemples firent germer toutes les vertus dans leurs jeunes cœurs.

Dès l’âge le plus tendre, ils avaient laissé éclater une affection mutuelle, et, comme ils étaient destinés l’un à l’autre par le vœu de leurs parents, on ne contraignait point leur inclination naissante. Cet attachement crût avec l’âge, et quand Louis eut dix-huit ans, et Marguerite seize, on ne leur cacha plus les liens qui devaient les unir. Le colonel de Waldeghem, qui s’était remarié en Espagne, avait envoyé son consentement par écrit ; le seigneur de Gruthuysen laissait percer dans tous ses discours la joie que lui causait le projet de cette alliance : ainsi le bonheur des jeunes gens paraissait assuré.

Mais, au milieu des troubles qui éclataient alors de toutes parts, quel Belge eût pu se flatter d’aimer impunément son pays ? Le duc d’Albe était venu gouverner, ou plutôt opprimer, les Dix-Sept Provinces ; le sang flamand coulait dans toutes les villes, et les têtesdes comtes d’Egmont et de Horn étaient tombées sous la hache du bourreau. Depuis lors, on remarquait un grand changement dans le caractère de Louis de Winchestre ; ce jeune homme étourdi,