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puisque l’amiral était échoué en travers du passage, avaient tous subi le même sort ; la marée qui baissait les avait laissés à sec, enfoncés dans le sable et incapables de rendre désormais aucun service à leurs maîtres. Le vaisseau amiral ne brûlait plus : mais il s’était renversé sur lui-même, et sa quille s’élevait seule au-dessus des vagues. Pour les bâtiments de transports, presque tous avaient amené leurs pavillons, et la petite flotte de Flessingue, victorieuse sans avoir couru de danger, se rangeait déjà en ordre de bataille pour attaquer les caravelles de l’arrière-garde ennemie[1].

Il n’y a dans aucune langue humaine d’expressions assez fortes pour peindre la profonde douleur que cette vue fit éprouver à la douairière. Tout est perdu ! s’écria-t-elle ; les mécréants l’emportent et le monde va périr. Ô mon Dieu ! pourquoi faut-il que j’aie vécu jusqu’à ce jour ?

Pour Marguerite, elle n’entendait pas les exclamations de sa tante ; elle ne voyait pas le désastre de la flotte, ses yeux étaient fixés sur la blessure du jeune officier, d’où le sang coulait en abondance, et cette vue absorbait toutes les facultés de son âme. Elle se laissa mettre dans une chaloupe, à côté de la baronne,

  1. Rien de plus contradictoire que les récits des historiens sur la bataille qui eut lieu lors de l’arrivée du duc de Médina-Cœli. Van Meteren compte à peine cinq navires pris. Selon Le Clerc, les Espagnols perdirent vingt-trois vaisseaux de guerre. Selon Van der Vynkt, le duc de Médina-Cœli parvint à terre, lui treizième, dans une petite chaloupe. On s’est efforcé de concilier autant que possible les témoignages les plus authentiques, sans rien omettre de ce qui était glorieux pour les marins belges.