Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes que leur fureur devient fatale : ils se jettent les uns sur les autres, se déchirent, s’égorgent, et cette horrible boucherie ne cesse qu’au moment où le dernier d’entre eux a rendu le dernier soupir.

Forcé de prendre le large pour éviter le feu de ses propres soldats, le duc de Médina-Cœli vint passer presque sous les batteries du flibot zélandais. Rien ne paraissait plus facile que d’anéantir son esquif ; mais Guillaume de Nassau défendit de tirer sur son ennemi vaincu, et celui que les Espagnols accusaient d’avoir foulé aux pieds les lois de l’honneur et de la nature leur donna l’exemple du respect dû au malheur.

Cependant le brave sire de Winchestre, qu’une balle avait frappé à l’épaule et renversé dans la mer, n’était point devenu le jouet des flots : rappelant son courage, il luttait, malgré sa blessure, contre le courant qui l’entraînait, et, chaque fois qu’il sentait ses forces prêtes à l’abandonner, il élevait la tête à la surface de l’eau, et fixait ses regards sur le navire ennemi : sa vigueur se ranimait alors, à la vue des flammes qui dévoraient l’immense vaisseau ; il oubliait son danger en contemplant son triomphe, et un noble orgueil se peignait sur sa figure.

Après avoir nagé pendant près d’un quart d’heure (car la plaie qu’il avait reçue ne lui permettait pas de fendre rapidement les ondes) il parvint enfin près de son flibot. Le capitaine ! s’écrièrent tous les marins en l’apercevant ; voici le capitaine ! Aussitôt une chaloupe est mise en mer, dix hommes s’y précipitent et