-voix .) Monsieur, entre gens distingués on s’arrange autrement. Demain au petit jour, Monsieur… au pistolet… à cent pas… envoyez-moi vos témoins. (A part.) C’est un bon moyen de le faire filer d’ici.
Diable ! (Haut) Au canon, si vous voulez, Monsieur. (A part.) Épouvantons-le pour qu’il me cède la place.
Sapristi ! il est brave… (Haut.) Soit, Monsieur, à mitraille.
Peste ! il est crâne. (Haut.) À boulet rouge.
Voici ma carte : Champs-Élysées, tronc d’arbre no 19,999.
Tronc d’arbre. C’est vous qui avez inventé ce domicile ?… Je trouve l’invention du tronc bonne ; voici la mienne : Rue des Saints-Pères.
Des cinq paires… des cinq paires de quoi ?…
No 1… Quelqu’un ! vite mon boléro !
Un passant ! vite ma sérénade ! (Écoutant le prélude de Giraffier.) Comment, vous savez mon boléro ?
C’est le mien.
Du tout, c’est le mien, je l’ai rapporté de Séville.
Lesquelles ?
Lesquelles quoi ?
Lesquelles villes ?
Séville, quoi !… en Turquie.
- La lune brille,
- La nuit scintille,
- Viens, ma gentille,
- Suis ton Pedro,
- A ta fenêtre
- Daigne paraître,
- Brave ton maître,
- Ton Bartholo.
- Entends là-bas
- Les manolas,
- Les boléras,
- Les fandangas.
- Viens, il fait beau, beau, beau, beau !
- Suis ton Pedro, dro, dro, dro.
- Derin din, derin din, etc.
- La lune brille.
- Amour extrême,
- Bonheur suprême,
- Ton Pedro t’aime :
- Aime Pedro.
- Pedro t’appelle,
- Réponds, ma belle,
- Mon Isabelle,
- A ton Pedro.
- Viens, on dira,
- Nous voyant là :
- Viens, on dira,
- Nous voyant là :
- C’est Isabeau
- Et son Pedro.
- C’est Isabeau, beau, beau, beau.
- Et son Pedro, dro, dro, dro.
- Derin din, derin din, etc.
- La lune brille, etc.
Pas le sou ! nous chantons pour le roi de Prusse.
Ça ne sera pas difficile à partager.
Pourquoi aussi venez-vous sur ce pont ?
Vous y venez bien, vous !
Moi, j’y étais le premier ; vous avez le pont Neuf qui est libre.
Le pont Neuf ? il n’y est plus ; je viens de la Vallée.
Vous venez de l’avaler ? Quel estomac !
Je viens de la Vallée, le marché du quai des Augustins, et j’ai bien vu qu’il était en démolition.
En réparation seulement ; tenez, je vais vous faire une proposition : jouez-vous aux cartes ?
Un peu, comme tous les Quinze-Vingts ; mais je préfère le noble jeu de billard. J’y ai perdu toute ma fortune pour avoir oublié de mettre du blanc à ma queue : j’ai fait fausse queue, j’ai manqué mon coup, et j’ai livré la partie à mon adversaire : tout mon avoir y était engagé.
Touchez là, mon cher confrère, nous sommes deux victimes du sort : j’ai été ruiné au brelan. Un autre serait mort de douleur ; moi je me livrai à la lecture des philosophes. J’ai trouvé surtout beaucoup de consolations avec Descartes ; mais j’ai complètement renoncé au jeu… Si pourtant une petite partie pouvait vous être agréable.
Comment donc, mais avec plaisir !
À quoi jouez-vous ?
Eh ! mon Dieu, je joue à tout.
Quand il en tourne. Ah ! j’entendais atout… Oui, vous jouez à tous les jeux. Un tout petit bésigue vous serait-il agréable ?
Très-agréable.
Ou un écarté ?
L’écarté me va. Voyons, pendant qu’il ne passe personne.
À merveille ; allons-y gaiement !
Que jouous-nous ?
Écoutez, mon confrère, nous nous faisons du tort mutuellement ; je vous offre de jouer à qui aura la place : le perdant quittera ce pont.
J’allais vous le proposer. (A part.) Tu peux compter que tu vas filer, toi.
Tu peux être certain de décamper.
- Ô fortune, à ton caprice, etc.
(La première syllabe seulement de chaque forte ; le reste mimé. Ils vont s’asseoir en face l’un de l’autre et mettent sur leurs genoux leurs pancartes en guise de table. Trémolo à l’orchestre.)
Nous jouons en cinq points. (À part.) Arrangeons les cartes de façon à gagner ; il est aveugle, il n’en verra rien.
Je ne me trompe pas, il fait le paquet.
Coupez, Giraffier.
Voilà, Patachon.
Faisons sauter cette petite coupe. (Il fait sauter grossièrement la coupe. – À part.) Un clairvoyant n’y verrait rien. (Tournant.) Le roi !
Très-bien ! (A part) Il vole au jeu. (Jouant) Pique !
Je prends ; atout de la dame, du valet, de l’as et du dix ; j’ai la vole.