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L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DES INDIGÈNES MUSULMANS

ssances acquises reçoivent le plus tôt possible leur utilisation. C’est pourquoi l’enseignement des indigènes est avant tout pratique. L’instituteur français qui ouvre une école en tribu commence par se demander : « Quels services pourrais-je rendre tout de suite à mes élèves et à leurs parents ? » En apprenant aux enfants groupés autour de lui la langue française usuelle, qui établira, entre eux et lui, un commode moyen de communication, il s’ingénie à « spécialiser » son enseignement, à l’adapter le mieux possible au milieu, afin de lui faire produire immédiatement des résultats appréciables. Presque partout, il recommandera quelques précautions hygiéniques aussi négligées qu’indispensables, il enseignera à tirer de la terre un meilleur parti, à planter, greffer et tailler les arbres.

Ici, il mettra tous ses soins à préparer quelques menuisiers et quelques forgerons ; là, il essayera, dans la mesure de ses moyens, de rénover les arts musulmans (repoussage du cuivre, fabrication des tapis, poteries, etc.) tombés en désuétude, et dont quelques traces subsistent encore autour de lui.

D’aucuns auraient voulu accentuer ce caractère pratique de notre enseignement et le convertir en un véritable enseignement professionnel. Les élèves indigènes auraient appris un métier à l’école, on aurait formé à foison des menuisiers et des forgerons, des charrons et des maçons. Mais où trouver des débouchés pour tous ces artisans ? On oubliait aussi que l’apprentissage d’un métier n’est guère possible avant treize ou quatorze ans. Que faire des enfants qui n’auront pas atteint cet âge ? Pourquoi ne pas les recueillir dans les écoles françaises où un enseignement libéral et désintéressé élargira leur horizon intellectuel, les habituera à l’observation et à la réflexion, éveillera et fortifiera les bons sentiments qui sommeillent en eux ? Ce n’est pas un manœuvre qu’il s’agit de dresser, c’est un homme qu’il faut éduquer. Le bienfait matériel que l’indigène retirera de la