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eux une atmosphère très fausse. C’est du reste ce que Daniel désire, car il sait Germaine sensible aux mots et préfère l’entretenir de songes que lui dire la vérité. Il est trop lâche et trop intoxiqué de leur jeu pour se décider à une honnête rupture.

Les lettres de Germaine sont de plus en plus sombres :

« La vie m’est lourde, Daniel, et je me sens vieillir. Aucune aventure ne me tente, car j’ai eu les plus belles avec toi et Jérôme. À quoi bon recommencer. Je connais toutes les fêtes et les plaisirs. J’ai usé de l’amour avec passion. J’ai fait souffrir et j’ai souffert. Les drogues m’ont donné leurs rêves et leur paresse.

Être élégante, être belle, séduire ; pourquoi, mon Dieu, puisque je sais qu’il n’y a pas au monde un autre Daniel et que Jérôme m’a trompée.

Toi, mon Daniel, toi qui m’as tant aimée, je t’ai déçu et c’est toi seul que j’aime. Pour toi, mais tu ne le veux plus, je redeviendrai belle et j’aimerai le plaisir comme avant. Cette maison qui, dis-tu, te hante encore, est à toi. Dans le salon il y aura tes livres et je te donnerai la chambre rouge, si tu veux. Reviens, Daniel. Je t’écris couchée sur le divan que tu aimes, près de la grosse lampe. Le feu brûle et la petite statue de Mercure se tourne sur sa hanche vers un étonnant bouquet de pivoines printanières, elle est fine et me rappelle ton corps. Je t’attends, Daniel.

Thérèse met le couvert sur ce plateau de laque où il y a un paysage qui t’amusait tant. Viendras-tu ce soir, ce soir enfin, il me semble que c’est pour ce soir, je crois entendre, dans l’antichambre, ton pas. »


Daniel n’a pas encore répondu à cette lettre, Germaine l’ennuie parce qu’elle insiste.