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paroles qui l’aggravent, rendant peu à peu les actes impossibles.

Daniel est allé chez la couturière.

Germaine le reçut pendant l’essayage ; les essayeuses bourdonnaient autour d’elle comme des abeilles, l’enveloppant d’une mousseline raide sous laquelle elle paraissait nue. Cette intimité subite rendit Daniel très gauche. Il cherchait à voir sans voir, découvrant soudain dans les échancrures de la gaze une chair rose comme une rose thé, devant laquelle il fermait les yeux.

Germaine lui donne rendez-vous chez tous ses fournisseurs, le traitant comme une amie dont on n’est point jalouse ou comme une femme de chambre. Si bien que sans jamais l’avoir vue se dévêtir pour lui, il connaît peu à peu la composition exacte de ses dessous, la marque de ses parfums, et bientôt, par bribes, son corps.

À la fin du jour, ils reviennent l’un près de l’autre dans ce Paris crépusculaire d’avril parmi la poussière rose des avenues, l’or du soleil couchant écrasé derrière les frondaisons du bois et l’Arc de Triomphe qui s’accroupit comme une bête, le dos à la lumière.

Le thé les attend dans le petit salon bleu.

Journées vides, pour lesquelles Daniel a tout abandonné et qui rendent sa vie extrêmement solitaire. Il gravite autour de Germaine dans le cercle étroit d’une aventure qui le déçoit chaque jour davantage et cependant, par inertie, l’enchaîne à cette femme.

C’est une paresse, une obsession, un lent détachement du reste du monde.

Il dit adieu à tout ce qu’il aime et cependant il n’aime pas encore.

— « Comment trouvez-vous Jérôme ? dit-elle, il est jaloux de vous et nos nuits sont terribles, mais, je l’avoue, beaucoup plus délicieuses