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elle, redevenue soudain une femme insupportable et charmante comme toutes les femmes.

Daniel est maintenant dans la rue.

Il est trois heures du matin, un printemps glacial d’aurore le frappe au visage.

II

— « Et voici, commencée la vie d’aventures, se dit-il, pas très originale l’aventure, et cependant. »

Un jeune homme qui s’ennuie et voudrait bien un peu échanger son cœur lourd contre celui plus léger, croit-il, d’une femme, rencontre un jour cette femme et ne la reconnaît pas. Car avant, il s’était mis à en aimer une autre et l’autre, plus hautaine ou déjà prise, l’ayant renvoyé comme un enfant, sous le prétexte qu’elle ne veut pas être cette première maîtresse pour laquelle on quitte tout, il s’en est allé tristement et se croyant de trop au monde, lorsque, par hasard, il se heurte, car il allait tête basse, à la nouvelle amie. Celle-là, qui non seulement détruira le souvenir de l’autre, mais tout ce qui lui fut antérieur, afin d’imprimer sa seule image, son unique et dure image, dans le cœur impatient du jeune homme.

Daniel ne sait pas qu’il est enchaîné. Les mots qu’ils disent occupent leur journée, non son cœur, croit-il, et quant aux gestes, à part ces enfantins baisers sur la joue ou sur la main, il n’y a rien.

Germaine le provoque trop pour qu’il ose davantage, si bien qu’ils sont enfermés dans leur désir comme dans un filet, s’y mouvant avec peine et maladroitement, disant pour le tromper des