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poisonné jusqu’à l’amour des autres, et puis j’avais déjà souffert. Malgré tout, l’amour même heureux est une douleur. Cependant si j’avais su. »

— « Vous saviez, Germaine, mais vous ne vouliez pas comprendre. Si j’étais mort à vos pieds, vous auriez dit : « Coïncidence » et puis surtout vous aimiez ailleurs, et c’était bien naturel. J’étais fou de vouloir vous prendre à ce mari qui vous rendait heureuse. »

— « Comment as-tu pu croire qu’il me rendait heureuse, il me trompait tout le temps. Il est faux et lâche, son élégance ne vient pas du cœur ; tu sais bien toi-même avec quel mépris il me traitait. Il se moquait de moi ostensiblement. À Venise, le soir de mon arrivée, moi qui t’avais quitté pour lui, eh bien, il n’était pas à la gare, il n’était même pas à la maison, longtemps après il est revenu avec des femmes et des musiciens en gondole. Ah, ce n’était pas pour me faire une surprise, il me l’a faite bien malgré lui, car à ce moment-là, il m’avait oubliée. J’ai dû me mêler à eux, faire la fête, j’étais bien déçue tu sais. Maintenant il est parti, maintenant ne te l’avais-je pas promis, je suis libre, viens, je ferai tout pour toi. Ah, tu verras, quand j’aime, mon Daniel, je suis capable de tout conquérir, de tout accomplir pour mon amour, tu verras. »

Un pâle soleil d’hiver entrait par la fenêtre. Germaine, dans une voluptueuse robe blanche, parlait debout avec exaltation, le feu rapide colorait ses joues chaudes.

Certes, que cela fut en rêve ou en paroles, à ce moment elle aimait.

Daniel, glacial et silencieux, subissait ces aveux avec ennui. Assis, un livre sur les genoux, il songeait. Que lui importait le cœur de cette femme et ses bontés d’amante, son intelligence seule et sa méchanceté lui plaisaient.