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heureux. Elle est la seule femme que j’aie jamais aimée, car notre ressemblance, combien je la sens depuis que je l’ai quittée. »

En effet, puisque l’amour a fait de lui un si parfait imitateur, il serait maintenant le complice rêvé de Germaine et de Jérôme, seulement la vie est pleine de ces complices-là. Ce qui passionnait Germaine, c’était l’honnêteté de Daniel, quelle belle proie.

Le temps passe.

Une année où Daniel a beaucoup voyagé, lu, travaillé. Mais il est attiré par mille choses diverses et ne se fixe à aucune, la conviction que Germaine était la seule animatrice le paralyse. Il regrette avec obstination qu’elle n’ait pas été celle qu’il crût, et ce regret entrave ses élans vers les autres femmes et même son travail. Le thème de l’amour déçu est monotone. Daniel l’a longuement exploité, il en est las. Cependant, il reste persuadé que c’est de Germaine, et de Germaine seule, que viendra la nouvelle inspiration. Il a l’impression qu’elle est en voyage et qu’un jour ils se retrouveront, ah, combien liés et fraternels. La femme qui vit en ce moment sous ses traits et son nom ne l’intéresse pas, c’est l’imposteuse de leur dernière rencontre, Il faudrait qu’on délivre la vraie Germaine, la sienne ; ensemble, ils exploreraient le monde et travailleraient. En attendant, Daniel vit avec d’autres femmes, mais il ne donne à aucune son amour. Enfermé dans le songe de sa première aventure, il vit dans son étroit égoïsme avec ses regrets.

Comme autrefois, un parfum, une phrase lui ressuscite Germaine tout entière. Une de ses plus parfaites voluptés est d’évoquer, devant une femme qui l’aime, maîtresse trop sensible, les charmes de l’autre.

Ainsi Germaine, des nuits entières, se plaisait