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Germaine le trouve en revenant, pourvu d’une maîtresse et comme il n’a pas le temps, ni le courage, de faire la cour à une femme de son milieu, il prendra, en la payant, n’importe quelle fille d’ici ; ceci prouvera sa désinvolture.

Ses amis sont naturellement ravis de le revoir, cependant Daniel a beaucoup changé. Ce n’est plus le jeune homme fiévreux et romantique que retrouvent en lui les habitués du bar, mais un garçon dur, qui ne croit plus à l’amour ni à la sincérité. Il a trop souffert et la trahison avilit. Ce jeune homme, dans le coma de la douleur, tel la chenille dans son cocon magique, s’est lentement transformé, lentement sous le cilice de la peine quotidienne son cœur s’est dévoyé. Germaine maintenant serait fière de lui, car il a compris son jeu et le trouve beaucoup moins impardonnable qu’autrefois.

Puisque la vie est telle, à quoi bon être en-dessous.

La naïveté est sotte, le cœur inutile, l’intelligence et l’adresse tiennent lieu de tout. C’est une affaire d’habitude. On ne l’avait pas élevé comme cela certes, mais Germaine non plus, sans doute.

La vie corrige les natures faibles. Daniel bien corrigé commence à voir clair, et tout meurtri encore, il comprend. La méchanceté fait boule de neige, elle se transmet entre amants et les vaincus se transforment.

Daniel, transformé par les douleurs odieuses de l’amour, sent poindre en lui des ailes aux couleurs de sa maîtresse, aux couleurs de cette femme qui l’a créé mieux que sa mère, et dont il reconnaît, après l’enfance et la croissance inquiète, les atavismes et la ressemblance épanouie dans son sang, comme une fleur empoisonnée.

Frère et sœur, ils ne l’ont jamais été tant que maintenant, un abîme autrefois les séparait,