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Il corrige ce qui est arrivé par ce qui aurait dû être, et les deux se confondent à tel point, que Germaine seule maintenant, parce qu’elle est restée la même, pourrait rétablir la vérité.

Mais Germaine est menteuse et puis elle est absente.

Daniel est le maître parce qu’il invente et que son modèle… est loin.

Cependant, il n’est pas encore dégagé de tous les tourments de la séparation, sa jalousie est encore bien gênante et puis les ressemblances que l’on croise dans la rue, justement le jour où l’on y pensait le moins.

Il y a aussi toute la tristesse du parfum porté par d’autres, et des musiques entendues ensemble, une série de petits supplices qui réveillent la douleur et dépendent du hasard.

Il passe souvent devant la maison de son amie. Les volets en sont éternellement clos. Daniel se désespère de n’y pouvoir entrer. Ah ! comme il hurlerait bien son abandon dans les fourrures, il déchirerait les livres et les tentures, quelle consomption.

Imaginer exactement le décor dans lequel on a vécu heureux, savoir que tout existe encore, sauf l’amour, le lit, où l’on a dormi enlacés, la chambre, les miroirs, où leur visage apparaissait coupable avec des lèvres meurtries, des paupières lasses.

L’amour a passé peut-être même, davantage, que ce reflet.

Daniel, debout sous les fenêtres comme pendant les nuits printanières, où il se représentait Germaine dans les bras d’un autre, reste longtemps à rêver, longtemps.

Quelquefois même, il se retrouve à l’entresol, le front contre la porte, attendant que son amour lui ouvre.