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V

L’enfant prodigue est donc revenu.

La mère s’en réjouit, lui s’en désespère.

Il pense : « Acte II, soyons brave ; au troisième j’espère mourir ». Cependant, malgré les apparences contraires, la mère pressent la guérison, lointaine certes, et les symptômes en sont imperceptibles pour tout autre, surtout pour Daniel.

Obstiné dans son malheur, comme les enfants qui ne veulent plus manger pour punir leurs parents, il ne peut envisager l’idée de guérir.

Pour qui le prendrait-on. L’opinion de Germaine est la seule qui compte, elle dit qu’on ne guérit pas.

« Sans toi, ni avec toi, il ne m’est possible de vivre ». La mère, cependant, ne se trompe guère. Attentive, elle veille, laissant en Daniel les réactions naturelles s’accomplir et parlant de tout autre chose.

L’aventure ouatée de silence tombe au néant des songes. Daniel y descend avec son amour, kaléidoscope nouveau, dont il compose à son gré, et déforme ses souvenirs.

Germaine et lui deviennent les héros d’une épopée souterraine. Il guide leurs pas et leurs gestes dans l’ombre, et sa mémoire confuse, embuée de chagrin et de désirs, lui offre chaque jour une Germaine plus diffuse et plus différente déjà de la réalité.

La femme vivante perd son intérêt au profit de ce minutieux décalquage qui, dans sa dissemblance, permet à Daniel la continuation de l’aventure et l’illusion du bonheur retrouvé.