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vitres, les portes entre-bâillées sur ces intérieurs qui laissent voir des vaisselles, des visages penchés comme un peu de cœur sous la lampe, si j’emmenais l’enfant qui lit près de la porte, la nuit amère au goût profond de lilas, d’encre et de réglisse, l’étranger glisse avec le vent.

Tout cela, je l’ai poursuivi, rencontré, regardé, Germaine, jusqu’à sentir le reflet du monde heurter à travers mes yeux, ton visage, que je porte caché dans mes veines, dans la partie la plus lointaine de moi-même, avec les silences, les ressemblances, les pressentiments.

Rien n’y fait, j’aime sans être aimé, et j’aime ce lent acheminement vers le renoncement de tout ce qui n’est pas mon amour.

Ce dénûment du cœur, où ne survit à la brutalité, à la foire de l’existence, qu’un seul visage pour lequel on a tout quitté, et qui justement, par un hasard du sort, sourit ailleurs à un autre visage qui a toutes ses pensées.

IV

Face à cette fenêtre, d’où l’on voit couler l’éternelle cascade, Daniel écrit des jours entiers. Le parfum des menthes de la montagne voisine se mêle aux fleurs du jardin.

Il pleut maintenant presque chaque jour, pendant les accalmies on entend la foule piétiner les allées du parc. Sa rumeur monte comme celle d’une fête foraine, il ne manque que les coup de carabine sur les pipes fantômes des tirs.

La saison continue.

Daniel, en son égoïsme, n’en revient pas ; lui voudrait mourir et la saison continue, avec ses