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d’angoisse qui l’étreint et l’empêche même de plaisanter, il regarde autour de lui. Peut-être un bibelot le sauvera-t-il en le ramenant à de plus humains rivages. Hélas ! la tenture est bleue, justement la couleur qu’il croit être, avec le nouvel amour dans son âme. Des livres jaunes, d’autres reliés en or et noir au-dessus d’un divan très bas. Il ne peut lire les titres, mais il les devine : Oscar Wilde, Gabrielle d’Annunzio, Renée Vivien. Tiens, Gourmont, pourquoi ? Étrange, cette Germaine. Sur la cheminée une belle, romantique photographie de Jérôme, son mari, qu’elle dit aimer et qui paraît très beau. Une statuette de bronze, femme nue, fine et souple, coiffée d’un inquiétant casque de Mercure aux ailes courtes.

Des paravents de laque, des fourrures, des lampes aux abat-jour énormes comme des jupes et des fleurs. Ce sont des arbres entiers, mis à terre dans de grands vases. Arbre de tulipes, forêt d’iris, massif d’œillets ardoise et citron. Le feu partout habite, posant sa langue comme une bête haletante sur tous les meubles qui le reflètent.

Une étincelle saute et brûle l’ours qui sent immédiatement la chair grillée.

— « Assez de mutisme, dit Germaine, vous n’êtes pas drôle avec vos yeux sombres qui scrutent ma maison. Vous plaît-elle au moins ? Si non, allez-vous-en. »

— « Elle me plaît, comme vous, terriblement. Je voudrais justement y vivre toujours. Germaine, vous retrouverai-je demain, avec ce regard, cette fatigue en vous qui me plaît tant. Vous êtes moins dure que tout à l’heure mais plus belle. J’aimerais rester, je vous regarderais dormir, imaginez que je suis ce frère dont vous parliez tout à l’heure. »

— « Ah ! Taisez-vous, dit-elle, ce jeu est hor-