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prend rien. Mes lettres sont-elles interceptées. Il est impossible qu’elle n’y réponde pas, si elle les reçoit.

Mon inquiétude fait que, la nuit, je lis des lettres en rêve, le matin, mes mains les cherchent sur les draps, où le jour pose des carrés de soleil que, dans mon songe, je prends pour l’enveloppe. C’est odieux.

Il pleut souvent dans ce trou. Les sapins vont déteindre sur les asthmatiques.

Je fais faire du feu dans ma chambre, l’odeur du bois, la même, m’enivre. Je m’intoxique.

Ah ! Venise, sur le grand canal.

Je lis d’Annunzio ; Germaine y inscrivait sur la page de garde : « À Daniel, pour mieux brûler. »

Je ne peux plus travailler, plus m’amuser, plus sortir. J’attends le facteur.

« Qu’on me donne de la mandragore pour que je dorme jusqu’au retour d’Antoine. » Chère Cléopâtre, c’est ton aspic et ton courage qu’il me faudrait. L’aspic, dirait Germaine « c’est moi ».

Je joue au baccara, pas drôle, perdre m’amuse davantage. En amour, on ne gagne jamais. Je suis routinier comme les malades, je ne veux pas changer d’histoire.

Le public d’ici est infâme, je n’y connais personne. Germaine avait dit : « En juillet, je reviendrai ». Voici déjà quinze jours de ce départ affreux dans la gare rose. On vient de m’apporter le courrier, il n’y a rien.


juin, toujours. – Germaine a bien raison de dire que les plus belles choses et les plus basses nous lient. N’est-ce pas pour me rapprocher un peu d’elle, hier soir, que j’ai fait cette orgie d’éther.