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—  « Nous aimons-nous assez. »

Elle sourit doucement, sans ouvrir les yeux.

—  « On verra bien… Mais non, si vous craignez le manque d’amour, au fond, partez, moi je dors. Vous êtes encore un genre de garçon avec lequel on entend les voitures de laitier, comme avec Jérôme. »

Parole malheureuse, elle le sait bien, car Daniel s’est levé, tout droit, près du lit. Puis résolument, tout habillé, il s’étend près d’elle, sur la couverture fermée. Elle a l’impression qu’il accomplit cela sans plaisir, par unique vengeance, et elle sourit. Elle va donc lui gâcher jusqu’à sa possession ; car elle désire soudain qu’il soit brutal et odieux afin de tout regretter demain. Mais Daniel silencieusement la serre comme la première fois, comme la première fois, elle lui prend la nuque, leurs lèvres s’écrasent, leur souffle se mêle, et le miracle de ce baiser si profond dénoue sa méchanceté, chez lui sa rancune, les unit dans un désir mutuel si grave ; c’est elle qui supplie Daniel de se dévêtir et de la rejoindre.

La lampe les veille, les berce de sa lumière bientôt inutile, car voici le petit jour.

Et Daniel, enfermé dans les bras de sa maîtresse, sent sur sa bouche, car le plaisir a clos ses grandes paupières, les mots d’amour les plus merveilleux qu’une femme puisse dire à son amant, les mots qui font vraiment croire qu’on s’aime, qui apaisent en Daniel toutes ses douleurs, tandis que d’une main brûlante et molle comme une feuille de rose, enivrée de leurs deux plaisirs, elle le caresse encore.