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drogue supérieure à toutes. N’en parlez donc pas si légèrement, je ne prends pas votre impudence pour de la naïveté. Je connais les masques, ceux de Venise et les autres. ; car ceux de Venise ne cachent que les yeux, le vôtre est plus étroit, il vous colle au visage, c’est votre âme qui me plairait si vous étiez capable d’amour. Ah ! nous sommes fous, moi de répondre, vous d’inventer. Si vous étiez tel que vous dites, mais il faudrait nous enfuir pour cacher notre torture et notre félicité. »

— « Mais je suis comme vous dites, madame, croyez-vous donc que de telles paroles puissent être prononcées à la légère et sans entraîner de graves conséquences entre deux êtres qui, une heure, avant s’ignoraient. Ces Champs-Élysées ne sont pas ceux de tous les jours, nous y marchons dans un nouveau paysage et déjà pris, et hors du monde comme l’explorateur dans les glaces du pôle. Nous allons vers des transformations, des ressemblances, un mirage. Si j’étais votre frère, madame, me croiriez-vous ? »

— « Si tu étais mon frère, je t’adorerais ! mais tout ceci n’est que mensonge, vous l’avez dit : un mirage, un mirage en effet. Et j’aime tant les mots, que je me laisse prendre à votre jeu, parce que je les ai dits à peu près comme vous-même ce soir, à un être qui comme moi n’y croyait pas. La vie était aussi bête que ce soir. On aurait pu être heureux, j’étais près de lui, m’ouvrant le cœur pour qu’il y reconnût l’amour, il se sauvait coucher avec n’importe quelle femme. Ôtez votre masque tout de suite si vous êtes celui que je pressens à travers nos paroles et suivez-moi. Révélez-vous entièrement. Cet instant, croyez-le, ne reviendra pas, où, passionnément intriguée par vous, je vous écoute. Je m’arrête. Je vous supplie. Dites-moi la vérité qui est au fond de votre âme car je l’espère, dans ma