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— « Ah ! Monsieur, dit Jérôme, qu’est-ce que Germaine a bien pu vous faire pour que vous veniez me rejoindre. Je n’ai, malheureusement, qu’un journal, mais asseyez-vous, c’est du reste elle qui vous envoie. »

Germaine, qui était derrière la porte, entre en tourbillon :

— « Jérôme, cette vie est impossible, vous souffrez, moi aussi, lui aussi. Nous sommes jaloux tous les trois, que comptez-vous faire ? »

— « Mon Dieu, Germaine » et le sourire de Jérôme est plein d’ironie, « êtes-vous bien sûre que cette question me regarde. Je suis malheureux, vous le savez, parce que vous n’êtes plus avec moi, mais si vous êtes heureuse, ma chérie. »

— « Je ne suis pas heureuse, Jérôme, car je vous aime, mais j’aime aussi Daniel et je voudrais que vous ayiez de l’amitié pour lui. Est-ce donc impossible, cependant je ne puis plus déjà me passer d’aucun de vous. Jérôme, il faut que je vous parle ce soir, dites à Daniel de partir. »

Mais Daniel, se jurant bien de ne jamais revenir, est déjà dans l’antichambre. Germaine le rejoint, l’enlace.

— « Puisqu’il ne veut pas que je te voie ici ; demain, à cinq heures au Meurice, dans le hall, va, mon chéri, je ne t’abandonnerai pas pour cela. Sois exact. »

Sa bouche effleure celle de Daniel, elle se recule, son démoniaque visage apparaît une dernière fois dans l’embrasure de la porte, comme celui d’un enfant méchant qui attend le départ des grandes personnes, pour saccager la maison.

Daniel se retrouve seul dans l’escalier noir, le cœur diminué, des larmes plein la gorge, avec une bête sur sa poitrine, qui pourrait bien s’appeler l’humiliation.