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des roses et tant d’oiseaux. Je passais ma vie en gondole, sur la lagune, du côté de Murano. Il y a Torcello qui est une petite île merveilleuse, mais d’abord on ne voit émerger des herbages qu’un écriteau avec ce nom « Torcello » et une échelle de bois qui monte.

Jérôme m’a rapidement déçue, non seulement parce qu’il me trompait, cela n’aurait eu aucune importance, s’il avait été celui que j’ai cru, mais je l’ai découvert paresseux, sans énergie, sans aptitudes. Alors mon petit Daniel, j’ai tant souffert, car je l’aimais encore. Lui aussi m’aimait, mais il aimait surtout la noce et cette camaraderie un peu crapuleuse qui faisait de sa femme son meilleur compagnon à travers n’importe quelle aventure. Je voulais mourir. Souvent je le veux encore, car il a brisé tant de choses en moi. Croyez-vous qu’on guérisse des déceptions d’amour ? Croyez-vous qu’on guérisse. »

La porte du petit salon s’ouvre doucement.

— « Ah ! crie Germaine, c’est toi Jérôme, tu m’as fait peur, tu entres comme un fantôme. »

Daniel s’est écarté brusquement. Il est pâle et semble s’éveiller d’un rêve profond.

— « Je parlais de toi, dit-elle, à cet enfant que j’aime et qui, je crois, ne m’aurait pas déçue. »

Jérôme reste immobile au milieu du petit salon. Il semble y surprendre, dans l’arôme des fleurs et des cigarettes, une autre atmosphère coupable et que, pour sa tranquillité, il n’aurait pas dû découvrir.

— « Je regrette de vous déranger, dit-il. Bonsoir, monsieur. Alors, Germaine, je vais danser puisque tu n’es pas prête à sortir. Tu ne sors plus jamais. On me croit veuf ou que tu es enceinte, ça me fait une belle jambe. »

— « Où vas-tu, Jérôme, reste ici, quelle heure est-il. On va bientôt dîner, où vas-tu ? »