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Il se peut que les événements de la tant malheureuse Espagne me soient funestes comme à ceux qui aiment le bonheur de tous. Pour m’y soustraire autant que possible, je vis retiré dans ce village, dont les pacifiques et laborieux habitants ignorent cette vile et lâche animosité qui trouve sa naissance et son accroissement dans l’oisiveté et l’immoralité de ceux-là seulement qui se cachent entre les vices, ordinaire patrimoine des grandes populations. J’observerai de cette hauteur la marche des affaires publiques, et, si elles m’obligent à chercher un asile plus sûr, j’irai avec plaisir en France, qui n’est guère qu’à cinq lieues d’ici. Dans ce cas redoutable, je recourrais aux bontés que votre générosité me promet, vous considérant comme un véritable mentor, mettant mon ignorance sous votre égide. J’aurai l’inexprimable joie de trouver les lumières dont j’ai si grand besoin.

Celui qui vous remettra la présente, M. Calvet, vieux ami auquel m’unissent mille motifs de gratitude, est digne de toute considération, parce qu’il sait aimer ses semblables. C’est enfin celui dans la maison de qui je demeurerai pendant mon séjour à Paris.

Je n’ai, mon aimable monsieur, aucun mérite qui me rende digne des faveurs dont vous m’honorez et dont je vous remercie comme je le dois ; seulement je désire que vous me procuriez l’occasion de satisfaire, au moins par mes vœux réitérés, l’agréable obligation que vous m’avez imposée de vous aimer, obligation que gardera jusqu’au tombeau.

Votre très affectionné serviteur, qui baise vos mains,

Manuel Front.