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Sulpice. Hier, les chimères du monde remplissaient encore mon âme, quoique la religion y fût déjà présente : la renommée était encore mon avenir. Aujourd’hui je place mes espérances plus haut, et je ne demande ici-bas que l’obscurité et la paix. Je suis bien changé, et je t’assure que je ne sais pas comment cela s’est fait. Quand j’examine le travail de ma pensée depuis cinq ans, le point d’où je suis parti, les degrés que mon intelligence a parcourus, le résultat définitif de cette marche lente et hérissée d’obstacles, je suis étonné moi-même et j’éprouve un mouvement d’adoration vers Dieu. Un moment sublime, c’est celui où le dernier trait de lumière pénètre dans l’âme et rattache à un centre commun les vérités qui y sont éparses. Il y a toujours une telle distance entre le moment qui suit et le moment qui précède celui-là, entre ce qu’on était auparavant et ce qu’on est après, qu’on a inventé le mot grâce pour expliquer ce coup magique, cette lumière d’en haut. Il me semble voir un homme qui s’avance au hasard, le bandeau sur les yeux ; on le desserre