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ta boutique plutôt que dans celle d’à côté ; cette population fume pour avoir quelque chose dans les lèvres, et ne s’inquiète pas de la bonne qualité des cigares. Certainement tu feras une jolie marchande de tabac. J’oubliais encore une recommandation : quand un jeune homme, ou plutôt un homme d’un certain âge, jette sur le comptoir une pièce d’or en demandant un cigare de cinq sous, ne manque pas de lui dire : « Trois bien secs, monsieur ; » c’est la formule que j’ai surprise à une marchande du boulevard Montmartre, l’illustre Lolo, qui est en train de faire une fortune avec le trois bien secs, comme d’autres avec le trois-six. Tu comprends, mon amie, qu’il est difficile de refuser une jolie femme qui vous offre un petit paquet artistement fait, contenant trois cigares, et qui vous les garantit bien secs avec un doux sourire. Il faut être tout à fait manant pour refuser ; et il se trouve qu’au bout de la journée tu peux avoir pris à ce piége une centaine d’hommes polis, c’est-à-dire que, par un simple morceau de papier, tu as forcé la vente de deux cents cigares.

« Ne trouves-tu pas mon idée heureuse ? Quand une comédienne croit qu’elle est sur les planches pour s’amuser, mieux vaut pour elle s’adonner à l’un de ces petits commerces. Il est plus facile de trôner dans un débit de tabac qu’au théâtre. »