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LETTRE À COLOMBINE.

« J’ai à me plaindre de toi ; tu tournes à la grande actrice et tu ne me sembles pas exécuter ta danse, d’une façon sérieuse. Crois-tu que tu t’es cassé les jambes dans ta jeunesse avec un maître pour t’amuser par la suite à rire avec les comédiens sur le théâtre, à regarder dans la salle ce qui s’y passe et à faire de petites grimaces au chef d’orchestre ? Si tu continues longtemps ce commerce, Colombine, il vaudrait mieux pour toi tâcher d’obtenir un bon bureau de tabac.

« Il passe toute la journée une quantité de jeunes gens parmi lesquels on rencontre facilement trois ou quatre adorateurs ; l’art du cornet de papier ne demande pas de longues études : aie soin d’avoir une petite patte de lapin blanc avec laquelle tu ramasseras les bribes de tabac sur le comptoir ; tu les mêleras adroitement au tabac frais, afin de ne rien perdre, et tu arrangeras le tout de telle sorte que le consommateur ne se doute pas que tu lui as servi au moins moitié miettes. Quant aux cigares, il est bon de procéder à la visite des boîtes de la régie et de trier ceux qui sont les mieux faits, pour les mettre dans une boîte spéciale destinée à la clientèle riche ; les mauvais cigares mal faits, verts, humides, sont réservés à la population flottante parisienne qui ne fait que passer par hasard dans