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marquez ce rythme, je vous prie… « La marquise regardait la table… » Cela n’indique-t-il l’obsession d’une pensée chez la marquise, et un état d’âme particulier chez la table ?… Une correspondance morale de la table qui est regardée à la marquise qui regarde la table ?… Toute la vie mondaine n’est-elle pas psychologiquement résumée dans cette corrélation intime d’une table et d’une marquise ? (La baronne et Mme Boniska ont des gestes d’admiration)… Et combien dramatique !… Et combien moderne !…

La baronne Hopen et madame Boniska (en proie à une émotion violente).

C’est divin !… c’est… c’est…

Byronnet

De la psychologie, voilà tout… (Il reprend sa lecture)… « La marquise regardait la table, chargée de luxes magnifiques et d’impressionnantes mondanités… Elle la regardait, non point seulement pour le plaisir noble et consolateur de contempler un spectacle de richesse qui impose toujours du respect aux âmes fières, elle la regardait aussi, parce que, secrètement, elle espérait relever dans son ordonnance quelque imperceptible faute de goût — de ces fautes qui sont des crimes — dont elle eût pu se faire une arme contre la duchesse, pour lui arracher l’amour du comte Jean. Elle connaissait l’irréprochable et si délicate correction du comte. L’année dernière, brusquement, il avait quitté la princesse, à cause d’un coupé neuf, fait à Londres, pourtant, mais auquel il manquait un menu