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Ce qu’il faut souhaiter, ce qu’il faut vouloir, c’est que la liberté n’ait d’autres limites qu’elle-même, et qu’elle ne se borne à d’autres frontières que celle de la justice universelle. Certes, il y aurait d’abord un bouleversement dans nos habitudes, un effarement, du désordre. L’homme est foncièrement misonéiste, et ce qu’il ne connaît pas, même la joie, il le redoute comme un danger. Mais tout se tasserait, car tout se tasse ; tout se transformerait, car tout se transforme, et la nécessité qui créa nos organes, saurait vite découvrir, dans les trésors inviolés de la nature infinie, des richesses nouvelles, de nouvelles formes, et peut-être, aussi, ce rêve de bonheur, ce rêve philosophal que nous n’avons jamais atteint, parce que nous l’avons toujours mal cherché, et cherché là où il ne peut pas être !

Et serait vite dissipée la tache moitié noire, moitié rouge que les maigres silhouettes des Mélines infâmes, profilent sur l’immense lumière de l’Avenir.

Octave Mirbeau.