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moi… Vous, les mères qui avez perdu votre enfant, vous, les veuves, écoutez-moi !… Je vous adopte… Ma fortune… je vous la donne, toute… Ma vie… je vous la donne aussi… Mais, parlez-moi ! Dites-moi, où est mon fils !… (Silence et sanglots. Marianne Renaud sort du hangar. Hargand va pour lui prendre les mains.)…Toi… Marianne… toi… As-tu vu mon fils ?… Parle-moi ? (Marianne le repousse sans lever les yeux sur lui… se dégage et s’en va.)… Oh ! pas de pitié !… pas de pitié !

Maigret, cherchant à l’entraîner.

Monsieur !… monsieur !…

Il marche dans la cour, s’approche du banc où il voit Madeleine pâle comme une morte et le front sanglant.
Hargand

Madeleine ! Oh !… (Il recule un peu. Et comme s’il voyait la cour, les femmes agenouillées, les cadavres pour la première fois, il met un instant les mains sur ses yeux, pour leur cacher l’horreur du spectacle.) Oh !… oh !… oh !…

La Mère Cathiard

Madeleine ! Madeleine !… C’est moi…

Madeleine, ses yeux se rouvrent tout à fait. Peu à peu, elle semble sortir d’un long rêve douloureux. Elle regarde tout, mais sans comprendre, sans savoir où elle est. Lentement, la notion des choses lui revient, mais tronquée, encore imparfaite. Des bribes de mémoire, qui passent en elle, donnent à ses yeux, toujours hagards, de multiples et diverses expressions de réalité, qui vont s’accentuant. Elle s’efforce à faire des mouvements. Son bras se soulève, elle porte la main sur son front et la ramène devant ses yeux. Une tache de sang est sur sa main. Elle la regarde sans comprendre encore. Sa main retombe.
La Mère Cathiard

Madeleine !… Madeleine !… C’est moi…