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qui se passe dans la cour.) Ah ! oui !… C’est la paye, aujourd’hui !… C’est la paye !…

Les femmes entrent toujours. La cour commence à se remplir. De son œil mort, Thieux examine, quelques secondes, la vieille près de lui. Puis il détourne la tête et reste immobile, courbé, sans mot dire, sur son banc. On n’entend plus que les lamentations des femmes.
La Mère Cathiard, sous le hangar, parmi les femmes, avec un grand cri.

Mais… c’est Madeleine !… c’est Madeleine !…

Louis Thieux, au nom de Madeleine, il tourne la tête vers la vieille.

Madeleine !… Qu’est-ce que tu dis ?… Pourquoi dis-tu que c’est Madeleine ?… Tu sais bien que tu n’es pas Madeleine…

Il hoche la tête et reprend son attitude prostrée.
La Mère Cathiard, sous le hangar.

Elle n’est pas morte !… Madeleine n’est pas morte !… (Sanglots des femmes.) Sa bouche a remué… son cœur bat… (Elle essaie de la soulever… Sanglots des femmes.) Mais, aidez-moi donc… aidez-moi donc !… (Aucune ne bouge.) Je suis trop vieille… Je n’ai plus assez de forces !… (Aucune ne bouge.) Mais… aidez-moi donc ?… Je vous dis qu’elle n’est pas morte !… (Enfin, parmi celles qui n’ont trouvé aucun des leurs parmi les morts, quelques-unes se décident à aider la mère Cathiard. Elles soulèvent Madeleine dont les cheveux sont plaqués de sang.) Vous voyez bien… elle rouvre les yeux… On ne peut pas la laisser là… Portons-la sur un banc !… (Péniblement, elles la portent sur le banc. La vieille se lève, sans regarder, et s’en va insensible. Louis Thieux reste courbé, les yeux sur le sol. Les femmes maintiennent Madeleine, sur le banc, son buste appuyé dans leurs bras.) Madeleine !… Madeleine !