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Hargand

Si… si… Maigret… c’est moi, hélas !… c’est bien moi !…

Maigret

Allons donc !

Hargand

Et puis… (Avec plus d’efforts.) Je croyais avoir été un brave homme… avoir fait du bien autour de moi… avoir vécu, toujours, d’un travail acharné, utile et sans tache… Cette fortune dont j’avais l’orgueil — un sot orgueil, Maigret — parce qu’elle était un aliment à ma fièvre de production, et qu’il me semblait aussi que je la répandais, avec justice, sur les autres… oui, cette fortune, je croyais n’en avoir pas mésusé… l’avoir gagnée… méritée… qu’elle était à moi… quelque chose, enfin, sorti de mon cerveau… une propriété de mon intelligence… une création de ma volonté…

Maigret

Alors !… ça n’est plus ça maintenant ?…

Hargand, avec découragement.

Il paraît !…

Maigret

Je rêve, ma parole !… Ces gens-là vous ont donc tourné la tête ?… Ah ! c’est trop fort !

Hargand

Ils ne m’ont demandé que des choses justes, après tout !…