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moi… de fraterniser avec mes ennemis ?… Ai-je été assez bête… assez aveugle… en te rappelant à moi !… Ton destin ?… Ce sont des cris abominables de vive Robert Hargand !… que j’entends à toutes les minutes, et qui ne cessent de me déchirer, de me traverser le cœur, comme des coups de couteau !… Ces menaces de meurtre… ces incendies… ces pillages… tout ce qui bout dans l’âme de ces sauvages, déchaînés en ton nom, contre moi… le voilà ton destin !… Aie donc le courage de l’appeler par son nom : l’ambition !… Et peu t’importe qu’elle se satisfasse sur la mort de ton père… et la ruine des tiens !…

Robert, il se lève.

Je n’ai pas d’autre ambition que le bonheur des hommes… J’y ai sacrifié ma fortune, ma jeunesse, j’y sacrifierais ma vie !

Hargand

Et la mienne !…

Robert

Vous êtes trop nerveux, mon père… et vous parlez sans justice… Il ne faut point qu’il se prononce entre nous des paroles irréparables… Permettez-moi de me retirer !

Hargand

Reste… reste !… (Il marche dans la pièce avec agitation. Ensuite il vient se rasseoir devant son bureau. Essayant de se dominer.) Qu’est-ce que c’était que cette démarche ?… J’ai besoin de la connaître…

Robert, il se rassied aussi.

Je n’ai pas à vous la cacher… Hier, j’ai appris de