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sauvé du billard où ils boivent le café, en parlant des femmes, de l’immortalité de l’âme, du socialisme du pape, de chasse et de chevaux… je crois que j’aurais éclaté ?… Il se passe ici des choses terribles… et voilà de quoi ils se préoccupent !… Comment mon père peut-il vivre avec d’aussi sinistres imbéciles ?…

Geneviève

Toi, d’abord, tu trouves tout le monde bête… Mais, tu sais qu’avant de s’en aller, ils reviendront ici ?…

Robert

Ah ! ici, ils vont parler d’art… car ils ont également des idées sur l’art !… Ils ne seront plus odieux, ils ne seront que comiques… Et leur comique me réconforte… il me donne un peu plus de fierté de moi-même.

La mère Cathiard revient avec le panier d’oranges.

Geneviève

Eh bien… prends un livre… lis… et tais-toi… (À la mère Cathiard.) À nous deux maintenant !… (Robert s’assied sur un divan… Geneviève s’assied en face du chevalet qu’elle met au point… À Robert.) Eh bien, lis-tu ?

Robert, moitié sérieux, moitié railleur.

C’est dans ton âme que je lis…

Geneviève

Que tu es énervant !… (Silence… La mère Cathiard a pris la pose. Geneviève compare le modèle et la toile, avec de petits hochements de tête.) Ça n’est pas tout à fait cela… La tête un peu plus à gauche, un peu plus penchée… encore… Ah ! bien… très bien… Ne bougez pas… (Elle se lève, arrange quelques plis de la robe, et regarde l’effet… Avec des gestes