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trop de misères toujours !… Vous êtes comme une pauvre petite plante qui n’aurait jamais vu la lumière. Mais la lumière, si je vous l’apporte ?… mais la jeunesse si je vous la redonne ?… mais la misère, si je l’efface, avec toute ma tendresse, de votre visage et de votre cœur ?…

Madeleine

Ne me dites pas cela… ne me dites pas cela… Vous me faites pleurer…

Jean

Et votre âme ?… Vous croyez que je ne l’ai pas devinée, entre toutes les autres, votre âme de pureté, de sacrifice, d’héroïsme tranquille et doux !… (Il se relève.) Eh bien oui, j’ai une œuvre de vengeance et de justice à accomplir… mais pour cela, il me faut une compagne comme vous… une femme à l’âme vaillante comme la vôtre…

Madeleine

Jean… ne me dites pas cela… je vous en prie !… Je n’ai pas de vaillance… Vous voyez bien… je ne fais que pleurer…

Jean

Parce que vous êtes seule… toute seule… en face de choses terribles… À deux, unis dans l’amour, on ne craint rien… pas même de mourir.

Madeleine

Je ne crains pas de mourir… je ne crains pas de mourir… je crains seulement de n’avoir pas la force de faire… ce que j’ai à faire maintenant…