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Jean, le regardant des pieds à la tête, avec hauteur.

Oui… oui… je sais… Parbleu !… Le fils du patron, révolutionnaire et socialiste… anarchiste aussi, sans doute !… C’est très à la mode, cette année, chez les bourgeois… Ah ! cela fait bien… cela a de la tournure… et c’est facile avec les millions que nous vous gagnons… (Violent.) Laissez-moi…

Robert

Je vous défends de douter de ma sincérité.

Jean

Et moi, je vous défends de croire à ma bêtise…

Robert

J’ai déjà donné des gages… j’en donnerai d’autres…

Jean

Vos prêches… vos articles… vos livres ?… Je les connais… je les ai lus… Si je les ai lus ?… (Avec une ironie amère.) Mais, c’est attendrissant, en effet… Réconciliation… bonheur universel… fraternité… Et quoi encore ?… Tenez, j’aime mieux votre père… Il est dur, implacable… il nous assomme par le travail et par la faim, en attendant, sans doute, les coups de fusil… Au moins, avec lui, il n’y a pas d’erreur…

Robert

Il ne s’agit pas de mon père… il s’agit de moi…

Jean

Vous ? (Il hausse les épaules.) Allez donc débiter vos patenôtres aux camarades… Ce sont de pauvres diables,