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rudes moments, le pauvre garçon… D’autres, moins énergiques, se fussent brûlé la cervelle… Lui, pas… À chaque chute, il s’est relevé pour gagner davantage… et atteindre plus haut… Il a fondé un grand journal lui qui savait à peine écrire… Enfin… voyons… si ton père était une canaille… est-ce qu’il serait l’ami d’un ministre !…

GERMAINE, ironiquement.

De deux ministres…

MADAME LECHAT, elle regarde un instant sa fille.

De deux ministres… parfaitement… Heuh !… (S’animant.) Et moi aussi… par mon esprit d’ordre… mes habitudes d’économie… mes conseils… j’ai ma part dans le gain de cette fortune que tu méprises… Et je m’en vante… Est-ce parce que nous sortons du peuple… lui et moi ?… Est-ce parce que nous avons été pauvres que mademoiselle rougit de nous aujourd’hui ?… A-t-on vu cette petite sotte… cette orgueilleuse… cette péronnelle… qui se permet de juger ses parents !…

GERMAINE

Mieux vaut que ce soit moi qui les juge…

MADAME LECHAT

C’est odieux… Tu es une fille dénaturée… Si quelqu’un t’entendait… ce serait à ne jamais plus se montrer devant personne…

GERMAINE

Il te sied vraiment de me reprocher aussi durement des actes… que tu commets… toi… tous les jours…