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C’est pour ton père, n’est-ce pas ?… (Silence de Germaine qui, après avoir cueilli une rose, revient s’asseoir sur la chaise longue en respirant la fleur.)… Eh bien… parlons-en… une bonne fois…

GERMAINE, avec une moue ennuyée.

Oh !… je t’en prie !…

MADAME LECHAT

Si… si… je le veux… Ton père a des défauts… de grands défauts… Je suis la première à en souffrir et à les lui reprocher… Il est vaniteux… gaspilleur… insolent… inconsidéré… menteur… oui, il est menteur… et fou aussi quelquefois… c’est possible… Il renie souvent sa parole ?… il aime à tromper les gens ?… Dame !… dans les affaires !… Mais c’est un honnête homme… entends-tu ?… un honnête homme… Et quand même il ne le serait pas ?… quand même ce serait le dernier des derniers… est-ce que cela te regarde ?… Ton père est ton père… ce n’est pas à toi à le juger…

GERMAINE, froidement.

À qui donc alors ?

MADAME LECHAT

Qu’est-ce que tu dis ?… (Un petit silence.)… Oui… oui… hausse les épaules… (Un temps.) Et sache que sa fortune ne doit rien à personne… à personne… Est-ce clair ?… Sa fortune… il l’a gagnée en travaillant… Il a eu de la chance… il a été servi par les événements… je le veux bien… mais il a eu encore plus d’adresse et de courage… S’il a fait deux fois faillite… n’a-t-il pas obtenu son concordat ?… S’il a été en prison… eh bien… quoi !… ne l’a-t-on pas acquitté ?… Ah ! il a eu de