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GERMAINE

Je t’en prie… maman… ne me demande pas de faire une chose que je ne puis plus faire… Il faut que je parte…

MADAME LECHAT

Non… non… c’est impossible… Voyons… mon enfant… que veux-tu que je devienne… toute seule… dans cette grande maison ?… Toute seule… à mon âge… pense donc !… Mais c’est la mort… Voyons… voyons… Germaine… sois gentille… sois bonne… Ne me laisse pas toute seule ici…

GERMAINE

Viens… avec nous… Tu seras plus heureuse… avec nous…

MADAME LECHAT

Hélas !… c’est impossible… aussi… J’ai vécu avec lui… Il faut bien que je meure avec lui… Je ne peux pas l’abandonner… Ce serait un péché… Je ne peux pas… je ne peux pas… (Un temps.) Oui… oui… je me rends compte… aujourd’hui… On ne t’a pas assez aimée… ma pauvre petite… On ne t’a pas aimée… comme il eût fallu t’aimer… Nous avons eu tort… moi surtout… C’est vrai… Et je m’en repens… va !… Mais il y avait un peu de ta faute… Tu étais si triste… toujours avec moi… Toujours, ton visage était fermé à triple tour… Alors… cela m’irritait parfois… et je te parlais durement… parce que… je ne te connaissais pas assez, parce que je ne voyais pas assez dans ton âme… Je t’aimais bien… tout de même… Et maintenant… je t’aimerai… je t’aimerai… je t’aimerai… je t’aimerai…