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Le mari

Allons donc !…

La Femme

Tu le sais bien… Ce n’est pas une chose que j’invente… Tu l’as vu par toi-même plus de vingt fois…

Le mari

Parce que tu te complais dans ton mal… au lieu d’y résister… Parce que tu es pire qu’une enfant, que tu n’as pas la moindre volonté, la moindre énergie… que tu ne veux rien faire… rien faire pour te guérir… Dans ces conditions, ma chère, tu dois comprendre qu’il devient difficile de vivre… qu’il devient impossible de vivre…

La Femme

André… ne me dis pas des paroles injustes et méchantes… je t’en supplie !… Ça n’est pas généreux… Ça n’est pas digne d’un homme comme toi… Il y a des moments où tes yeux m’épouvantent, où tes paroles m’entrent dans le cœur comme des coups de couteau… Et c’est de cela que je meurs, vois-tu, plus que de la mort qui est dans mes veines… Par pitié, André, réfléchis une minute à ce que tu me dis… et tâche qu’il n’y ait plus de haine dans ton regard… Si je souffre, ce n’est pas de ma faute… et il y a tant de choses, autour de moi… tant de choses qui me font du mal… Je suis ennuyeuse… exigeante… fantasque ?… C’est bien possible… il ne faut pas m’en vouloir… Pense à ce que j’étais autrefois… à ce que je suis maintenant… à l’affreuse et pitoyable ruine que je suis maintenant… Tu m’as aimée, rappelle-toi… Nous avons été heureux l’un par l’autre… J’ai eu une bouche avec des baisers… des