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La Femme

André… ne sois pas méchant… Je suis si malade… et je suis si seule, toujours… Ne me parle pas avec cette voix-là… Tu ne peux pas savoir à quel point cela me torture. Je t’en prie, reviens auprès de moi et fume tant que tu voudras…

Le mari

Merci… Pour que tu me reproches, pendant huit jours, ce méchant cigare… Oh ! je te connais…

La Femme

Tu n’es pas juste, André… et vraiment, tu devrais avoir un peu pitié de moi…

Le mari

J’ai pitié de toi, certainement… mais dans la mesure où je dois avoir pitié d’une malade qui, en somme, n’en est pas une…

La Femme

Mon Dieu !…

Le mari

Certainement… Tu es malade, oui… Mais tu te crois beaucoup plus malade que tu ne l’es en réalité… Tu t’habitues à te jouer à toi-même la comédie de la maladie incurable et mortelle… et tu en arrives à exploiter ma tendresse, à faire bon marché de mon existence à moi et de l’existence de tous ceux qui te servent et te soignent… Eh bien, non… À la fin, je proteste…

La Femme

C’est monstrueux ce que tu dis là…

Le mari, haussant les épaules.

Tout cela, pour quelques petits rhumatismes…