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serons… tous les deux… tous les deux, seuls… pense à cela !…

LUCIEN

Mais, demain… peut-être…

GERMAINE

Demain… Pourquoi demain ? Pourquoi remettre à demain ?… Non… il faut en finir… si tu m’aimes…

LUCIEN

Si je t’aime !…

GERMAINE

Eh bien, écoute-moi… (Elle lui prend les mains.) Quand je suis rentrée… ce matin… dans ma chambre… il m’a été impossible de m’endormir… J’avais trop brûlants sur moi… trop vivants en moi… tes paroles… tes caresses… et tes baisers… Je ne voulais plus rester seule avec moi-même. J’ai attendu que le jour se levât tout à fait… et je suis descendue… J’ai gagné la campagne… puis la forêt… et j’ai marché… marché… D’abord, cela m’a fait du bien… mes nerfs se calmaient, je n’éprouvais plus que la sensation d’être, tout entière, baignée dans la fraîcheur et dans la joie… Et je pensais à toi… à nous… à notre tendresse immense et sauvage… sauvage comme les arbres dont je frôlais les branches mouillées… et comme les fleurs… dont je respirais le tout jeune parfum… Puis… je suis revenue lentement… le cœur apaisé… heureuse… oui… presque heureuse… Brusquement, dans une éclaircie de la forêt… j’ai aperçu le château qui se dressait au loin… devant moi… Alors… j’ai reçu un coup… comme si… je venais de voir la mort… Ç’a été une minute affreuse,