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Premier bourgeois

Et quel écrivain ! En voilà un qui vous trousse la phrase !… S’il parle comme il écrit… rien ne m’étonnera de sa part… On peut s’attendre aux choses les plus imprévues, les plus incroyables.

Deuxième bourgeois

D’autant qu’il ne connaît que des têtes couronnées !… Il fut l’ami, le confident de Napoléon III. Et si ce dernier l’avait écouté !… Enfin !… C’est un plaisir que de lire les œuvres de M. Febvre, un vrai régal de lettré et de patriote !… Avec quelle grâce il vous raconte ce qu’il a dit au prince de Galles, et ce que le prince de Galles lui a répondu ! Quel esprit ! quel charme ! et quel respect !… Ce sont de fines histoires et de délicieuses réparties, comme on en entend au théâtre, dans les bonnes pièces… Moi, à la place du gouvernement, je n’hésiterais pas !

Premier bourgeois

Que feriez-vous ?

Deuxième bourgeois

Je le nommerais ambassadeur à… Berlin !…

Premier bourgeois (pensif)

Ma foi !… Il doit connaître le métier… Il en a assez joué des ambassadeurs, à la Comédie-Française !… Enfin, un pays qui possède un Carnot, un Febvre… un grand-duc Constantin, est un pays fort, un pays qui ne craint rien… on peut attendre les événements, et les regarder en face, d’un œil calme.